samedi 6 juin 2009

dossier 4/8 : « La banlieue s’exprime » : farces et attrapes sémantiques

« Je préfère parler avec un raciste intelligent qu’avec un antiraciste idiot. Et Le Pen n’est ni raciste, ni idiot1. » Qui peut bien avoir prononcé de telles inepties ? Un cadre du Front national dans la bataille interne qui fait rage ? Pas du tout ! Ces propos tenus en 2006 dans l’hebdomadaire d’extrême droite Minute sont ceux de Moualek Ahmed, actuel président de l’association La banlieue s’exprime (LBS). Âgé de 37 ans, Moualek Ahmed a été en 2007 candidat d’un parti obscur dont le président, Jean-Marc Governatori, est un ardent défenseur des petits porteurs et patron de nombreuses PME. Vitrine d’une soi-disant parole de banlieue, LBS n’a d’existence réelle que son site Internet – dont les « articles » publiés à fréquence régulière, prennent tout pour sujet sauf la banlieue. L’association a d’ailleurs une conception toute particulière de celle-ci, la réduisant à une question « d’appartenance ethnique », au lieu d’interroger sa problématique sociale. LBS fait partie des dizaines de satellites de la nébuleuse Dieudonné. Son parrainage par l’« humoriste » est officialisé dans une vidéo publiée sur le site les Ogres. C’est encore le président de LBS, qui accompagne Dieudonné, Soral, Meyssan, et Chatillon au Liban. Le monde est petit : le théâtre de la Main-d’or, appartenant à Dieudonné est le point de rencontres de plusieurs groupes dont l’obsession est officiellement le « sionisme »; il vient d’ailleurs d’être adopté comme point de ralliement officiel d’E&R. Les « articles » paranoïaques publiés sur le site LBS frôlent le dérapage permanent. Moualek Ahmed en a même profité pour débattre avec Kemi Seba, qui entretient une approche différente du modèle d’intégration (cf. lexique). Cependant, loin de la question palestinienne, le salut, pour lui, viendra le jour où le Crif cessera d’être2. Ce discours, qui jongle aisément entre antisionisme et antisémitisme n’est certes pas nouveau à l’extrême droite, mais tout comme le changement de discours du FN en 2007, qui offre une subvention financière en pleine crise à Dieudo, LBS s’adresse à une frange particulière de la population, sur une question essentiellement identitaire. LBS prône le mélange des contraires, entretient de vifs paradoxes, amalgamant communautarisme et principes républicains (notamment en organisant des campagnes d’inscriptions sur les listes électorales chapotées par des « référents » des quartiers3) et tente de tirer profit d’une crise identitaire résurgente afin d’y apporter sa solution : qu’importe la construction politique et cohérente d’une vraie structure, LBS tente de nous faire croire que le monde est séparé en deux : d’un côté, les Noirs et Arabes qui sont tous musulmans, et de l’autre côté le Crif et consorts.

notes
1 Minute, 13 décembre 2006.
2 Conseil représentatif des institutions juives de France.
3 Le Parisien, lundi 6 février 2006.